Le tableau (1h 16min)
réalisé par Jean-François Laguionie 2011
film suivi de la projection de "La traversée de l’Atlantique à la rame"
(Palme d'or du court en 1978)
Jean François Laguionie a commencé sa renommée avec en 1978 une palme d'or à Cannes pour un film d'animation, La traversée de l'Atlantique à la rame. Puis, il continue sa passion pour l'animation en réalisant divers films : Gwen le livre de sable 1985, Le château des singes 1995, L'île de black Mor 2003 et Le tableau. Avec ce dernier film, il évoque les thèmes de la discrimination, la tolérance, l'émancipation, l'art, l'amour.
Commentaires après la séance :
Martine
Encore émerveillée par ces 2 projections.
Un véritable rêve éveillé, en compagnie de personnages et de
situations graduées de la haine à l'amour, au symbolisme universel.
Oui Martine... émerveillée...
Et le débat qui a suivi était riche de pleins d'idées... A
ce propos d'ailleurs, l'idée de passer d'un tableau à l'autre, d'un monde à
l'autre... De passer des portes : bien au chaud sous la couette, j'y repensais
et je me suis souvenu aussi du Conte Musical "Emilie Jolie" : il est
construit exactement comme cela : la petite Emilie est dans son lit, et elle
découvre un univers différent à chaque fois qu'elle tourne une page de son
livre d'images... Les personnages s'animent et communiquent avec elle : elle
rentre dans l'histoire... Il y a le hérisson qui pique, les lapins bleus qui
deviennent rouges quand ils s'enrhument, les baleines de parapluie, la sorcière
qui est méchante parce qu'elle est malheureuse, le prince charmant bien
sur...etc...
Dans le film "Le Tableau", j'ai eu une tendresse
particulière pour le "Reuf" - qui vient de "roughs" :
croquis en anglais - ces petits personnages qui sont chassés par les autres
mais qui peuvent se faufiler partout car ils se fondent dans le décor : quels
magnifiques dessins, en début de film... Leur présence dans la salle du
château, c'était magique...
J'ai aimé aussi cette idée de jouer avec les couleurs...
D'avoir le contrôle des couleurs...Parce que c'est à nous de choisir les
couleurs de notre vie... alors bien sur elles auront forcément quelques teintes
de notre passé, mais c'est au présent que l'on continue la construction de
notre avenir et c'est dans le présent que le choix des couleurs est
important...
Quant au premier film, je l'ai trouvé drôle... d'un humour
très noir, c'est certain, mais qu'est ce que c'était drôle... et émouvant
aussi...
C'est vrai qu'elle est belle et touchante et bien vue ton
idée de jeu avec les couleurs et le choix personnel à faire au présent, Elise.
J'ajoute une petite chose, nous varions de couleurs selon le tableau dans
lequel nous évoluons, nous sommes variables puisque nous changeons beaucoup de
tableaux, même dans une seule journée. Nous passons la toile aisément, presque
sans nous en apercevoir et c'est jeu ! C'est une aventure, tout comme le film
utilise les tableaux comme terrain d'aventure.
Là où le jeu et l'aventure deviennent intéressants, et même
bien plus rigolos, c'est quand nous nous regardons être dans le tableau, que
nous voyons nos couleurs et celle des autres. C'est très réjouissant. Nous
sommes arc en ciel ; mais mon côté espiègle me fait dire que nous sommes
Arlequin. Tiens ça me rappelle Venise, les farandoles...
Une des raisons qui me font avoir aimé ce film (hormis la
maestria de la technique, son esthétique et ses dialogues), ce sont les
différents niveaux d'interprétation et d'appropriation. C'est en apparence un
film pour enfants, avec une simplicité dans le déroulement de l'histoire mais
que de tiroirs ! Un film qui dénonce le racisme, l'intolérance, les
faux-semblants sociaux, la prise de pouvoir etc. Il nous montre la solidarité,
l'amitié, les liens qui nous unissent, l'engagement mais il nous parle aussi de
création. Qu'est-ce qu'un créateur ? Son art lui appartient-il ? Que
cherche-t-il ?
C'est hallucinant cette recherche du peintre ! J'ai en
mémoire la scène où les personnages quittent Venise et sortent par une petite
fenêtre d'un bâtiment "peint" par l'autoportrait du peintre. Ce
dernier râle car une tache de couleur jaune modifie le tableau et il découvre
avec stupéfaction et bonheur qu'il peut lui-même enlever cette tache; il peut
peindre ! Il est acteur de sa vie et non plus simplement créature !!!
Le petit soldat qui, d'un geste, modifie le cours de la
guerre et en dénonce toute l'absurdité....
C'est aussi un hommage aux peintres, Chagall , Modigliani et
Matisse sont ceux que j'ai vus mais il y en a sûrement d'autres. Je pense que
j'aurais beaucoup aimé voir ce film avec des enfants; j'aurais sans doute
appris beaucoup tant leur regard est plus acéré que le nôtre. Je crois que je
me suis fait cette réflexion quand je suis sortie du cinéma en 2011.
Avant d'arrêter mon blabla. La scène avec le Titanic dans le
premier court, quelle belle illustration drolatique du repli sur soi. Pas
besoin de long discours, tout est dit en quelques images.