Le 3Juillet à 19h30 à la Maison de quartier Bottière notre question sera humaine

Peut-on réfléchir la réalité du travail autrement que sous une dimension sacrificielle ?



Mélina Chenu-Ponchin, conférencière d’art, présentera Nicolas Klotz et son oeuvre avant le film. (15mn) 

La question humaine (2h 21min) 
Réalisé par Nicolas Klotz  2007  Avec Mathieu Amalric, Michael Lonsdale, Jean-Pierre Kalfon




Notre discussion après le film 
Notre séance de ciné-débat la plus langue et  le débat et à proportion. Qui pourtant ne circonscrit pas tous les lièvres qui a été levés.. Il faudra sur ce sujet une autre séance. 

Michèle :
J'ai trouvé contestable et agaçant le lien, martelé comme si on était trop idiots pour comprendre, avec le système capitaliste qui se débarrasse sans état d'âme d'unités productives par le biais de critères discutables ; en oubliant que les unités sont des hommes ; à l'horreur barbare du nazisme. Nous suivons le parcours haletant de Simon, découvrant sa propre humanité avec beaucoup d'intérêt; comme nous regardions un thriller ; mais le comparer aux maillons du système ayant entraîné l'extermination, je trouve ça excessif et en même temps réducteur.
Prisonniers du système, nous le sommes tous. Ce système génère des maux incommensurables, fait des ravages, ils nous broient tous plus ou moins. Et quels sont les solutions établies par le système lui-même ? Poser des morceaux de sparadrap, histoire de nous rassurer. Plutôt que de réfléchir à une autre forme de société, nous acceptons les atèles et le fait que l'on cogne sur ceux qui proposent des pistes de réflexion, les expérimentent. La violence est là.
Que nous soyons tous à ce point conditionnés pour accepter l'intolérable, que nous ne révoltions même plus de voir une personne dormir dans la rue, que nous acceptions qu'un maire stigmatise les Roms, que nous ayons accepté que Chirac dise que dans certains HLM ça pue en parlant des maghrébins etc.
Alors, oui, nous sommes prêts à laisser s'introduire le totalitarisme, nous y allons allègrement. Et nous dirons que nous ne le voulions pas, que nous nous rendions pas compte. Nous courbons tous l'échine, égoïstes et égocentriques que nous sommes; nous vivons dans la terreur de perdre nos petits acquis. Cette peur, le système nous l'a sournoisement inoculée et sait l'utiliser.
Je suis ainsi, au sein de cette société impitoyable et inique et que fais-je ? Rien ! Je suis donc complice et je n'aurais pas à m'insurger quand le FN sera au pouvoir.
Ce film est un film sur le totalitarisme; pas uniquement sur le monde du travail (mais notre société est fondée sur le productivisme et l'être est reconnu uniquement sur sa capacité à travailler) ; il nous dérange car il nous met face à nous-mêmes et ce n'est pas terrible à regarder.... Nous sommes devenus des esclaves enchaînés à l’argent, nous avons perdu le « pourquoi » de nos actes.

Pour finir, je pense à Césaire, Klotz et Perceval pourraient faire leur cette phrase : " En tant qu'artiste, je préfère être un homme qui inquiète plutôt qu’il rassure".

Mais je suis excessive, vous me connaissez maintenant, ce film n'est pas noir, il est plein d'humanité et d'espoir. Il montre nos incohérences et nos ambivalences.

Alain:
La séance était passionnante. Plein de pistes de réflexion. Je retiens que le "pharmakon", le poison qui peut-être remède, est une affaire personnelle et collective. La blessure aussi. Je retiens aussi sa dimension réversible. Le remède peut-être poison.  Il nous revient d'abolir la victimisation dans la société aussi bien que pour soi-même. Refuser de se mettre en situation de victime aussi bien que de désigner des victimes. Les deux dimensions (personnelle et collective) ne sont pas équivalentes. Le remède ou le poison  dans l'une n'a pas forcément d'effet dans l'autre. Mais le collectif et le personnel trouvent  à se mettre en écho. C'est ce que montre le film. Même si  sa thèse peut-être contestable, je l'ai pris comme une fiction. J'ai aimé voir comment les conflits d'entreprise prennent leur racines dans l'histoire. Et comme cette histoire s'écrit avec un grand H et un petit h. Comment l'adulte responsable est mis en face du regard d'un enfant dont l'innocence se charge alors de la démission de l'adulte. prenant en charge un poids qui ne lui appartient pas. Pour oublier, il nous faut d'abord plonger notre regard dans notre héritage. Regarder d'où l'on vient c'est le comprendre et s'en détacher. A défaut le mal continue à faire son chemin. C'est l'aventure initiatique de Simon, son enquête.
J'ai apprécié la dimension plastique du film : admirable. Qu'un film  beau et puissant - même s'il peut être contestable - et un débat, nous amènent à introduire ce jeu entre présent et passé, collectif et personnel, c'est plutôt réjouissant. Ce film aux couleurs sombres est chargé d'espérance.

Mélina :
Il faut bien préciser que Klotz ne met pas du tout à égalité la Shoah et la violence du monde de l'entreprise. Il pose des questions, lance des pistes, nous invite à résister humainement pour que la dignité, l'intégrité, l'humanité en chacun de nous, l'emportent sur la bêtise humaine. Transformer le poison en remède commence par sa propre "révolution intérieure". Le courage d'être soi, la force de résister, le défi de gagner sur nos limites et nos peurs et de croire en un monde "meilleur".
J'ai hâte de voir : "Le Vent Souffle dans la Cour d'Honneur" de Klotz sur ARTE le 13 juillet 2013 à 20h40 ou sur France 2 le 20 juillet dans sa version intégrale en 2ème partie de soirée.

Elise :
Un grand merci à tous pour ce débat, plein d'idées et d'espoir : oui, l'espoir, pour moi, il s'est exprimé dans le débat...
J'ai eu beaucoup de mal avec le film : quelqu'un a dit "un film dur, noir mais pas sans chaleur"... D'accord, il y a eu des gestes de chaleur, d'humanité, mais ils m'ont paru tellement faibles et trop peu valorisés. J'ai trouvé le film bien trop lent aussi : il y avait des séquences interminables...
Par contre, un sujet très intéressant : Et comment notre situation de "moutons" peu nous entrainer vers l'intolérable... Tout à fait d'accord aussi, Michèle, sur le fait que l'individu est reconnu sur sa capacité à travailler, mais je rajouterais aussi sa capacité à consommer : c'est impressionnant la masse de personnes vivant sur le paraître et la consom. de masse. Il suffit de voir mes collègues : les trois quart des conversations sont sur les RDV chez l'esthéticienne, la pédicure ou leurs mercredis passés dans les magasins ... Je trouve ça juste triste... Et à coté, une intervention sur la Shoah (suite à une actualité) va amener une réflexion du genre "ouaih, mais enfin ils nous embête avec ça, c'est du passé " : ça me révolte à chaque fois...Parce que c'est trop important de ne pas oublier et pour cela il faut nourrir la mémoire des plus jeunes...
Pour finir, je dirais que j'ai vécu de près les réflexions racistes d'une amie (musulmane française) envers les Roms... C'est quelques chose que j'ai du mal à comprendre et à accepter...
Un film qui m'a secoué donc, et heureusement qu'il y avait le débat ensuite...

Martine :
A ta dernière phrase, Michèle, je citerais également C. G. Jung .
"Carl Gustav Jung a été un pionnier de la psychologie des profondeurs en soulignant le lien existant entre la structure de la psyché (c'est-à-dire l'« âme », dans le vocabulaire jungien) et ses productions et manifestations culturelles. Il a introduit dans sa méthode des notions de sciences humaines puisées dans des champs de connaissance aussi divers que l'anthropologie, l'alchimie, l'étude des rêves, la mythologie et la religion, ce qui lui a permis d'appréhender la « réalité de l'âme »."
On lui doit les concepts d'« archétype », d'« inconscient collectif » et de « synchronicité » =) bien vus dans ce film à travers l'itinéraire initiatique de Simon.

Nade :
Un film très profond qui arrive à nous toucher émotionnellement à travers un thème où justement on fait l'économie des émotions... malheureusement, je l'ai trouvé plus de l'ordre d'une réalité que d'une fiction (pour avoir moi-même exercé dans ce "milieu" à une époque), à partir du moment, bien-sûr, où on prend de la distance avec la stricte "Shoah", pour amener le "focus" sur la similarité des "méthodes-mécanismes".
Mais c'était vrai déjà à l'époque du Taylorisme... 19ième siècle : découpage du travail / organisation scientifique du travail... et on était bien avant les 2 guerres mondiales ! Aujourd'hui, ça a été abordé lors du débat, c'est en effet je crois, des méthodologies "douces" dont il faut craindre le pire (celles qu'on ne voit pas venir, qui ne sont pas "cousues de fil blanc" ) installées déjà dans (presque) tous les secteurs socio-professionnels, et qui font appelle à ce qu'il y a de plus intime en nous. ==> un bq qui en parle très bien : la barbarie douce, de jean-pierre Le Goff sociologue-philosophe. Merci à chacun pour sa contribution. A bientôt sur d'autres thèmes ? j'étais bien contente que "l'appel des appels" (remettre l'humain au coeur de la société), soit cité ! www.appeldesappels.org   et tout à fait OK pour la référence à Jung

Martine :
Nad sur les méthodologies douces, cette phrase lue je ne sais où : " désirer un monde paradisiaque, c'est déjà le début de la barbarie"    Références de Jean-Pierre Le Goff, bien notées.

Alain :
Dans l'hypothèse de Klotz le lien n'est pas si direct, entre l'univers du capitalisme moderne et celui du nazisme. Il y a un jeu. Un jeu de fiction. C'était pour ces personnages-là, que ce lien y était. Mais c'est ce lien qui a ouvert l'esprit du psy d'entreprise. Dans le parallèle de deux situations différentes, que lui envoie à la gueule Arie Neuman, en cousant de façon anonyme, le texte du passé sur le texte du présent : belle allégorie. Un violoniste licencié au cheveu long, (joué par Lou Castel), pas plus alcoolisé que lui. J'ai trouvé admirable dans le diatribe de ce musicien contre le langage devenu instrumentalisation, les mots devenus des fonctions idéologiques et économiques, que ses mots à lui qui dénoncent, aillent puiser à la puissance de créations du langage, soient poétiques au sens fort, philosophiques, profonds.
Tout le film est dans ce contraste entre ce qu'il dépeint et sa mise en scène. Sa chaleur, et son humanité, sont celles de sa forme et non de son objet. Je suis d'accord avec Elise avec le fait que la véritable chaleur était à partir de là, celle du débat. 

Nade
C'est super en tous cas comme ça nous permet de "penser", et de mettre en commun !
Ta phrase, Martine, sur le "désir d'un monde paradisiaque" me fait penser à un autre bq : ==> L'Euphorie perpétuelle : Essai sur le devoir de bonheur de Pascal Bruckner (13 février 2002) [une autre forme en effet de terrorisme...]
Alain, suis tout à fait d'ac' quand tu dis : "Tout le film est dans ce contraste entre ce qu'il dépeint et sa mise en scène. Sa chaleur, et son humanité, sont celles de sa forme et non de son objet. "
Michèle : "Nous ne devrions pas être uniquement définis par notre fonction-travail [...]" oh que OUI !! et pourtant...  

Elise
Et cet écran noir, à la fin du film... Sur des paroles déjà difficiles à entendre... ça rajoutait de l'angoisse et du dégoût... Parce qu'au fond, il nous renvoyait notre propre image cet écran... D'ailleurs merci Mélina pour l'explication qui a suivie... elle a permis de prendre du recul... Un peu de distance...

Michèle
C'est bien ce que je dis "pensons et construisons ensemble". La dialectique m'emmerde bien qu'elle me réjouisse. Soyons terre à terre parfois, ça permet d'avancer. N'ayons plus peur de nous remettre en question, soyons bruts envers-nous mêmes, regardons-nous et dépassons la peur... les peurs. Reconsidérons le lien qu'il y a entre nous et la société. Pensons-nous en tant qu'être afin de pouvoir nous redéfinir au sein d'un tout qu'on nous a inculqué. Soyons maîtres de nos désirs et plaisirs. J'ai de la colère : Comme c'est facile de brandir des idées et des manifestes, de balancer des mots ! mais qui y va au charbon ? les ronds de jambes intelllos ne satisfont que ceux qui s'en repaître.
A Elise : je suppose, que signifie cet écran noir est un miroir, il nous renvoie à nous-mêmes.

Elise
Oui, c'est ça... Un écran noir qui nous remet face à nos erreurs, à nos horreurs...
J'aime ta colère Michèle, mais tout le monde n'a pas la force de l'avoir... On est tous différents et l'on n'a pas tous appris à se battre... Et même quand qu'on a appris, il y a des périodes de notre vie où l'on n'a plus la force...

Martine
 Le cheval rouge (Prévert)
Dans les manèges du mensonge
Le cheval rouge de ton sourire
Tourne
Et je suis là debout planté
Avec le triste fouet de la réalité
Et je n'ai rien à dire
Ton sourire est aussi vrai
Que mes quatre vérités.

Alain
La dernière séquence je la trouve facile, comme tout le côté démonstratif de la mise en scène. Mais je l'accepte elle fait partie du film, de son côté "artistique". C'est à dire dans l'effort de faire bouger un dispositif et ses codes. Et de nous y mettre comme à parité de nous y interpeller sur une même surface.

Ce que je vois quant à moi c'est que dans le film l'humain n'est pas de nature. Il n'est pas droit dans ses bottes, il n'a pas peur, certes, mais de parler à partir de sa fragilité et non pour la dissimuler. C'est ce que l'on voit dans la dimension de thriller initiatique du film. Peut-être pourrait-on dire qu'il se détache d'un phallus ? celui de sa situation de travail, ou de sa culture d'origine ? d'un décors idéologique. Ce que l'on voit c'est que l'humain, n'est pas grégaire, dans aucun sens. Il est singulier. Existe t-il en soi ? ou bien seulement à oser se démarquer de l'inhumain ? ou bien forcément dans une formation collective de singularités : le dessin que recompose Simon des rapports entre les protagonistes ? Il remet tout à plat. En tout cas le film montre que c'est un effort.

L'inhumain au contraire masque sa blessure ; il fait porter sa question aux autres (le grand inquisiteur joué par Jean-Pierre Kalfon qui commande son enquête à Simon). Il ne faut pas confondre la colère et la haine.

Ce message est subliminal : Heureusement que nous pouvons faire des fautes pour nous sauver de la terreur syntaxique, fut-elle révolutionnaire. La question est humaine. L'humain est une question qui s'adresse on ne sait pas à qui. Le cercle est ouvert.

Michèle
Purée, la colère ne me sied guère ! Elle m'en fait oublier les règles élémentaires ! Je suis sans doute sous l'influence de mes récentes visites à la ZAD et autres engagements. Heureusement que ces influences m'inspirent d'autres actes et pensées que ce commentaire pour le moins maladroit et stupide. Je passe mes jours à expliquer aux gens comment faire de la colère une pensée positive et non une simple éructation... et je suis tombée dans le panneau; mais sur le moment, ça fait du bien !

Alain
Merci Michèle ! We were afraid very afraid !
L'humain est une question qui s'adresse à soi-même afin de pouvoir côtoyer autrui. S'y reconnaître ou s'en échapper. La haine est poison, la colère peut-être terreau ; impossible de les confondre mon cher

Nade
Non Michèle, tu nous dis ta colère et ce que tu choisis d'en faire, ok ça t'appartient, mais là je ne suis plus d'accord avec ta vision du monde : d'abord parce que j'ai trop vu d'exemples concrets où "les extrêmes" se rejoignent...
- quand tu dis : "Soyons maîtres de nos désirs et plaisirs" ??? c'est une illusion... dangereuse... et qui conduit, aussi à la "Tout-Puissance" et à des attitudes in-humaines...!!
- parce que c'est un non-sens de découper de façon binaire "faire du terrain-aller au charbon" et "penser, ou se référer à des textes" : c'est en faisant les 2 qu'on avance... Rien d'intello dans tout ça ! C'est tout l'intérêt de prendre soin d'inscrire son intention dans une histoire culturelle, et collective.
- et tout ceci pas forcément par des "actes" extrêmes. ça peut être des petites chose, sans prétention.

Ces questions sont bien trop importantes et fondamentales, pour être le seul apanage des engagés politiques. Voilà, j'ai bien aimé le débat de mercredi soir, et les premières interventions ici sur ce forum, mais à présent je trouve que "ça dérape"... et devient "déplacé". Heureusement, il semble que tu reviennes un peu sur tes précédents propos.

Michèle,
Nade, je suis bien d'accord avec toi et je suis revenue sur mes propos car j'ai vu que je m'étais mal exprimée, que j'étais maladroite. En fait je me questionne souvent à ce sujet.
Mon gros défaut est de me questionner sur tout et d'être parfois trop vive et spontanée. Hier soir, je voulais que nous entamions ce débat. Je n'invectivais personne, si ce n'est moi-même. Car je suis entre les deux justement... Tu ne me connais pas.Je suis pacifique et mesurée en temps normal mais j'ai commis une erreur, je le reconnais. Je présente mes excuses à tous, à tous ceux qui ont été blessés par mes propos. Ce n'était pas mon intention. Je ne fais pas de clivage. Cela fait quatre ans que je m'investis auprès de Alain pour la Sagesse de l"image et j'ai bien trop de respect pour cette association dont j'aime l'objet, pour tous ceux qui viennent à nos projections et pour Alain pour porter le moindre jugement sur quiconque. C'est la première erreur que je commets. Qui n'a jamais commis d'erreur, jamais passé un peu les limites ? A bientôt.

Elise :
Merci Michèle pour ce commentaire... Tu as fait une erreur... D'accord... Mais aucun d'entre nous n'est à l'abri d'en faire une un jour ou l'autre... Alors, pour ma part, c'est passé, et on passe à autre chose... Sinon, pour en revenir au film et à la question d' Alain : l' humain est une question, oui, qui s'adresse à chacun de nous et ce que j'ai perçu du film, c'est que notre humanité, elle se construit dans notre enfance en fait... Tout comme notre capacité ou non à communiquer avec les autres (je pense que les deux sont liés)...

Hèlène
"A propos de "la question humaine" , j'ai été interpellée par la façon dont était traité le sujet même si, comme Elise, j'ai trouvé vraiment longues certaines scènes du film (quelques gros plans interminables) :nous avons tous bien compris que le propos du réalisateur était de mettre un violent coup de projecteur sur la non-vie de Simon ,qui au fur et à mesure qu'il prend conscience de son inhumanité et de l'inhumanité de l'entreprise qui l'emploie est envahi par un malaise de plus en plus prégnant ( cauchemars, impossibilité de communiquer avec son amie...).

Le traitement de la lumière - de très nombreuses scènes en intérieur ou de nuit- a bien évidemment pour objectif de souligner le malaise -conscient ou inconscient - de tous ces bons petits soldats dont même les fêtes sont inquiétantes ( la techno peut être utilisée utilisée pour illustrer une saine révolte mais en l’occurrence la scène de la rave est morbide-volontairement évidemment .)

Le parallèle entre le pragmatisme de la gestion des "ressources humaines" dans l'entreprise capitaliste et la technicité froide des notes de service nazies à propos de l'extermination des juifs est imparable: Klotz a réussi sa démonstration (sans doute avec une insistance à la mesure de l'entreprise de déshumanisation qu'est le système de production dans lequel Simon est piégé / s'est piégé lui-même ?).

Bon, alors maintenant qu'on nous a rappelé tout cela -dont bcp d'entre nous étions déjà bien conscients- on fait quoi ??? Je crois personnellement que si les problèmes sont communs- et méritent d'être débattus et clairement définis- , les "révolutions durables " sont surtout individuelles et intérieures :c'est à partir du moment où chacun refusera de voir dans les autres des concurrents et de se mettre en compétition avec eux (voir refusera d'être exclu parce que "maillon faible" ) que les choses évolueront. Le vers étant introduit dans le fruit depuis le plus jeune âge ,cela demande un gros travail (pour tous).

Et franchement je trouve un peu facile -voire gratuitement désobligeant- de cracher d'emblée sur des outils -qui peuvent sans doute être dévoyés- mais qui ont été conçus non pas dans le but d'endormir notre conscience et de faire de nous des moutons mais au contraire de cultiver les valeurs de solidarité et de tolérance (ce qui peut très bien aller de pair avec une vigoureuse remise en question d'un système économique totalitaire ).

Donc, à l'intention des gens qui ont des convictions mais sont néanmoins capables de revenir sur des a priori un peu vite dégainés, je continuerai à enfoncer mon petit clou, n'en déplaise aux esprits chagrins. Voici donc ci-dessous une présentation de l'IREPS ainsi que des outils concrets proposés pour lutter , entre autres, contre le harcèlement au travail. .../...  le site (de l'Ireps Nantes.Ici )

Alain
Je reprends l'argumentation d'Hélène "... des outils -qui peuvent sans doute être dévoyés- mais qui ont été conçus non pas dans le but d'endormir notre conscience et de faire de nous des moutons mais au contraire de cultiver les valeurs de solidarité et de tolérance (ce qui peut très bien aller de pair avec une vigoureuse remise en question d'un système économique totalitaire )".

Je le crois volontiers tout comme son contraire. Nous ne pouvons pas prétendre à des solutions uniques. On essaie ici d'être dialectiques, d'élever le débat, de préciser, d'avoir un regard et une vue d'ensemble.
J'ai fait référence à des outils canadiens dans les mêmes valeurs - ceux de l'institut universitaire canadien - Douglas- en santé mentale, dans l'approche du "Rétablissement". J'ai projeté ces extraits pour en valoriser l'approche dans le temps fort "santé mentale" que j'ai animé pour la ville de Nantes le 19 mars dernier. Je ne peux certainement pas pas "cracher" sur ces outils. On peut consulter les vidéos dans leur intégralité à partir du blog de La Sagesse de l'image (LES DISCUSSIONS dans le sommaire : "Temps fort santé mentale" ICI

Les valeurs de solidarité et de tolérance sont importantes à soutenir- notre projet La Sagesse de l'Image les met en oeuvre explicitement : la solidarité n'est pas une langue de bois pour nous. Cependant ces valeurs ne suffisent pas à nous protéger de la dynamique générale d'un système qui est capable de les absorber pour sa conservation. Il ne suffit pas de donner accès au cinéma à la culture ou à d'autres services, à des gens qui ont peu de revenus pour changer la donne. L'idéal serait que tous les gens puissent avoir de l'argent et des activités valorisées par la société. Ainsi notre action a une double face : d'une part elle pacifie, rééquilibre l'inégalité, d'autre part elle entretient le système. C'est cette double face que j'ai exprimée l'autre soir à partir de l'exemple que tu donnais - j'ai dit clairement que cela ne le dévalorisait nullement. Auquel cas de la même manière nous croirions plus à notre action. Le débat, riche, a levé plusieurs lièvres. Notamment le fait que faire du compromis ce n'est pas de la compromission. Mais il ne faut pas être naïf non plus. Et voir ce que nos actions engagent dans le système global.

La double face des phénomènes - dont la conscience se fait progressivement de part et d'autre - c'est que le mal donne des outils et peut être le remède. Certes! mais le remède peut aussi à l'inverse participer au mal. Nul n'échappe à cette réversibilité. Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes : nous devons faire l'effort d'aller au bout des choses de leur prolongements. Le manichéisme est notre ennemi autant que la prédation, la compétition des uns envers les autres. Prétendre sortir de ce système par des solutions magiques, avoir des solutions uniques est plus qu'une illusion, cela peut être totalement nuisibles. C'est tout l’ambiguïté du développement personnel dont nous voulons faire un jour une soirée de ciné-débat. il faut étudier ça, voir les effets et les conséquences.

Les techniques de développement personnel sont intéressantes. En revanche cela n'exclut nullement qu'elles puissent servir le contraire de leurs objectifs. Plusieurs types d' intelligences sont requises pour comprendre la dynamique des phénomènes et trouver des réponses. Le combat personnel et collectif ne s'exclut pas. Collectif ne veut pas dire uniquement syndical, politique, ou institutionnel, associatif … c'est plus vaste et varié, on ne sait pas encore l'image que ça peut prendre.

Nade 
C'est OK Michèle, merci pour ta réponse.
Finalement ce qui ce passe ici est justement très significatif c'est à dire : comment, pour dénoncer le dépassement des LIMITES (de ce qui nous semble à nous relever de l'humain) de certains (thème du film) ; comment donc ne pas tomber soi-même dans le dépassement des LIMITES...???!!!
La frontière est fragile... mais c'est à cet "exercice" que nous sommes convoqués tous les jours, dans chacun de nos "lieux" !!

Hannah HARENDT : "la banalité du mal"
Christophe DEJOURS : "souffrance en france / la banalisation de l'injustice sociale"

Comme le dit Hélène sur un moment de son commentaire :
[les "révolutions durables " sont surtout individuelles et intérieures], elles ne sont certes pas réductibles à ce que Alain appelle par ailleurs [le développement personnel], et ne peuvent faire l'économie de se décliner en actes concrets dans le social.
C'est, de mon point de vue, cette articulation qui est souhaitable et porteuse d'avancées... mais qui reste la plus complexe, mais pas impossible !!

Enfin, le problème, c'est que tout ce que nous dénonçons ici relève pourtant strictement de l'humain... puisque "commis" par des êtres humains (distinct de l'animal, du végétal, du minéral,...).
Aussi la marge de débat est elle, finalement, purement "morale" c'est à dire "culturelle"... Autant dire, même si c'est terrible à entendre, que la notion d' "inhumain" reste un concept "flou" que je mets bien quiconque au défi de définir...!!!

Alain :
L'humain me semble plus problématique et énigmatique que l'inhumain.
L'humain est ce qui fait brèche dans l'inhumanité. L'humain de ce fait est l'Ouvert.

L'inhumain pour moi ce ne sont pas les formes extrêmes et pathologiques du crime. C'est la non-reconnaissance concrète de soi et de l'autre. L'inhumain c'est un univers dont je me dégage tous les jours. Par le retour du réel. Le réel que l'on fuit nous claque à la gueule. Quand j'admets le réel, aussi terrible soit-il ça va mieux et "l'autre" en est l'occasion. Il n'y a pas de morale dans l'humain, ce n'est pas une affaire de valeurs. Lacan a fait du désir la question centrale du sujet ("sujet de l'inconscient" . Pourtant je crois que c'est ailleurs. Ou bien cela se rejoint si l'Ouvert c'est ce qui n'est pas comblé, ni à combler - et accepté en tant que tel. Le plus difficile. Pourtant le contraire d'une logique de la frustration de la privation.

Il y en moi un non-partagé, une solitude totale de laquelle un enfant surgit ; par son cri retenu et pourtant sans fin, immense, à la taille exacte de l'univers, il me met en relation avec les êtres et toutes formes de vie. De la sorte L'humain ne s'oppose pas à elles, ne se met pas en face d'elles. Depuis son extériorité que je ne comprends pas, l'humain me place sur le même plan que toutes les formes de vie dans les détails les plus détaillés d'elles, qui vont se détaillant jusqu'à des niveaux que je ne peux atteindre. Mystère et beauté !


Nade
Pas d'accord avec le point de vue d'Alain : "Il n'y a pas de morale dans l'humain" dis-tu. Oh que si, justement, puisque tu te réfères aussi à Lacan ! La "morale" dont je parle plus haut : voir LACAN : "Kant avec Sade" ... Et que fais-tu du Surmoi (...) si tu te réfères à Freud... ?  "Malaise dans la civilisation" (1929)

Alain
Ah tu veux ouvrir un débat supplémentaire. Je t'ai taquinée.  
Je peux t'assurer que ni Lacan ni les lacaniens n'ont un point de vue moral. Ce qui les intéresse c'est la vérité du sujet clivée entre les exigences pulsionnelles et le langage (le rapport à l'autre). C'est leur point de vue. Cette absence de référence à des valeurs fait leur intérêt.

Il faut s'accrocher pour le relire - mais je ne crois pas que Lacan dans "Kant avec Sade" adopte un point de vue moral au contraire. Lacan opère par l'intermédiaire de Sade une "déconstruction du projet de la morale universelle de Kant qui se voudrait détachée de la jouissance du sujet (désintéressée).

Quant à Freud et bien oui il faut relire "Malaise dans la civilisation". Freud dit à la fin de sa vie tout son pessimisme sur la condition tragique du sujet humain. Partagé entre les exigences de son désir et de la morale (de la civilisation, le surmoi dont tu parles). C'est un drame pour lui, une véritable tragédie.  Lacan s'est fait le continuateur de Freud, contestant à la fois la "surmoïsation" de certains courant de la psychanalyse et son projet de rendre adaptable le sujet à un contexte de société, aussi bien que d'identifier le sujet à son "moi". Pom en souligne le danger possible de certaine thérapies à des fin d'adaptation dans son commentaire plus haut que je trouve très juste - les canadiens sont (ou étaient ?) juste un peu moins soumis au contrôle social que nous.

Ce que j'exprime sur le blog sur "l'humain" je ne le tire pas de la littérature ni même de la psychanalyse. L'humain ce n'est pas l'humanisme. L’humain ce n'est pas des valeurs mais un rapport. Un rapport à l'autre en dehors de toute morale, si on la prend strictement dans ce sens de valeurs (ce qui ne veut pas dire "immoral" car l'immoral est trop humain justement attaché à ces valeurs conventionnelles qu'il transgresse et dont il se croit affranchis alors qu'il n'en est que l'esclave).
Mais il faut savoir le sens que l'on met derrière les mots. Et ceux-ci ne prennent leur dynamique que dans un contexte. Au fond je me découvre "systémique" 

Nade
Quand je lis ton dernier post, Alain, alors je vois mieux ce que tu voulais dire précédemment. En effet, l'humanisme n'a rien à voir avec l'humain dont je voulais parler ici, et j'ai cru un moment, dans tes déroulements de pensée que c'était vers ça que tu allais...
Quant à la notion de morale que j'évoquais je ne l'attribue certainement pas à Lacan, encore moins à la psychanalyse, bien-sûr. Mais c'est pourtant à travers cette oeuvre "Kant avec Sade" -imbuvable je te l'accorde- qu'est posée la dialectique du Sujet... le "Sujet" à entendre comme Sujet de l'inconscient, dans son rapport à la Jouissance -  concept de Lacan.

Enfin sur le "rapport à l'autre" dont tu parles, comme intrinsèque de l'humain, soit, mais justement c'est Lacan qui (de mon point de vue) en propose la meilleure écriture. Enfin, ça me rassure pleinement que tu te découvres "systémique" (je passerai une meilleure nuit) ; moi aussi je te taquine, bien-sûr... Même si je me demande, véritablement, comment il serait possible de penser le monde (et l'humain) autrement...???

après tout ça je me dis que il y a un moment où il faut aussi peut-être s'arrêter... je ne crois pas qu'on puisse "faire le tour" de la question, de toutes façons, et c'est plutôt "bon signe"... ou alors autour d'un verre... sincèrement ce serait plus cool... car le problème de l'écrit et du virtuel (web) c'est que ce sont des amplificateurs du "malentendu" déjà inhérent au "langage"...



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Séance en amont de la diffusion sur Arte le samedi 13 juillet du film de N.Klotz et E.Perceval "Le vent souffle dans la cour d'honneur".

En Juillet 2013. Elisabeth Perceval et Nicolas Klotz présenteront leur nouveau film, "Le Vent Souffle dans la Cour d'Honneur", à l'Opéra Théâtre du Festival d'Avignon, suivi de 5 projections au cinéma Utopia. C'est une peinture documentaire de 102 minutes - tournée entre février 2012 et janvier 2013 -  sur les utopies contemporaines du Festival d'Avignon, avec Thomas Ostermeier, Romeo Castellucci, Arthur Nauzyciel, Simon McBurney, Christophe Honoré, Nicolas Stemann, Stanislas Nordey, Dieudonné Niangouna... Le Vent Souffle dans la Cour d'Honneur sera diffusé sur ARTE dans une version légèrement raccourcie le 13 juillet 2013 à 20h40, ensuite sur France 2 le 20 juillet dans sa version intégrale en 2ème partie de soirée.

Synopsis
Paris, de nos jours : Simon, 40 ans, travaille comme psychologue au département des ressources humaines de la SC Farb, complexe pétrochimique, filiale d'une multinationale allemande, où il est plus particulièrement chargé de la sélection du personnel.
Un jour Karl Rose, le co-directeur de la SC Farb demande à Simon de faire une enquête confidentielle sur le directeur général Mathias Jüst, de dresser un rapport sur son état mental. Ne pouvant pas se soustraire à la requête de Rose et ne voulant pas risquer de se mettre mal avec Jüst, Simon accepte du bout des lèvres, en se promettant de conduire une enquête discrète et de rendre un rapport le plus neutre possible... mais très vite en pénétrant dans la nuit d'un homme, Simon entre dans la sienne : Une nuit hantée par les fantômes et les spectres de l'Europe contemporaine.

Un débat suivra le film 
"Le projet étant de partager, dialoguer, tous ensemble, en restant positifs malgré les questions soulevées et leur éventuelles violences. Comment transformer le poison en remède, comment reprendre notre destin en main, notre épanouissement personnel et professionnel en temps de crise et de “déshumanisation” de l’espace public et du monde du travail, parfois trop occupé à faire du profit sur le court terme, au détriment de l’humain ? Est-il encore possible de créer des valeurs au travail ou sommes-nous retombés dans une forme d’”esclavage moderne” inquiétant ? " Mélina CHENU-PONCHIN

Critique presse Allo-ciné