Maison de quartier Bottière :" La grève" mercredi 4 janvier 2012 19h30

Une séance "Cinéma musique et ... révolution "

La grève
Film de SM Eisenstein
88 mn






la bande musicale proposée ici a été refaite et modernisée. Nous la comparerons sur une séquence mise en musique par autre compositeur (sans doute Chostakovitch pour être dans l'ambiance de "La Folle journée" 2012).

Résumé :

    « La Grève apporte la solution au problème séculaire de la création dramatique, parce que son héros et son personnage principal c'est la masse ... Déjà génial ce film fut la première esquisse du Potemkine », déclare Georges Sadoul.


Les commentaires après la séance : 

                        Danielle 04 Janvier
Film dur,avec quelques séquences dérangeantes..mais le cinéma lisse a t'il un intérêt?
Commence à prendre goût pour les vieux films.
                      Merci



Alain 05 Janvie


Merci Danielle,
Nous avons pensé que ce vieux film était toujours d'actualité quant à son thème. Et d'une étonnante modernité quant à sa forme. Mais surtout ce que je trouve "jouissif" c'est le regard d'aujourd'hui que nous portons sur lui.
Chacun sa sensibilité. je ne suis pas sensible à sa dureté. Plutôt à sa grâce, aux pitreries burlesques de "la racaille". Étonnant de la voir comme une confrérie de bateleurs. Je me résonnais en eux, ce sont des réprouvés. Sensible à la théâtralisation, la mise en scène, ses excès son expressionnisme. Ce mélange de tons depuis le burlesque, la comédie, la grimace le grotesque, l'ironie - dénonciation des puissants - jusqu’au drame, mais aussi au souffle épique des masses en mouvement.
Sensible aussi à des plans, le travelling sur le plafond de l'usine. Mais aussi le jeu dans le lit de l'ouvrier avec son enfant qui sonne comme la vacance de 1968. Sensible à l'énergie de ces plans, à leur jeunesse. J'imagine la solidarité collective de la réalisation du film. Eisenstein se sert d'un nombre de figurants invraisemblables qu'il va chercher dans la population russe de son époque.


Michèle 05 Janvier


Je suis pour ma part tout sourire en lisant cette phrase " je commence à prendre goût pour les vieux films". 
Ces vieux films qui sont pour certains si inventifs, si "modernes", comme celui projeté hier avec son montage proche du surréalisme. J'ai pensé à Bunuel et à Meliès. J'ai pensé à Scorsese et "Hugo Cabret". J'ai pensé à tous les cinéastes d'aujourd'hui qui sont inspirés par les cinéastes de jadis et j'ai, une fois encore, pensé que j'aime beaucoup le noir et blanc.
Ce matin, j'ai pensé à cette "racaille" désignée ; traîtres à la cause du peuple. Ces gens qui sont censés nous inspirer de l'aversion. Je me suis dit que ces gens présentés comme des sous-hommes étaient les représentants de ceux que nous désignons comme des asociaux irrécupérables; ceux que nous ne voulons pas voir : les différents physiques et psychiques qui peuplent nos rues pour certains et peuplent nos établissements pénitenciers et hospitaliers pour d'autres. Ceux dont on ne sait que faire et qu'on considère comme des victimes ou bien des dangers potentiels pour la bonne marche de notre société.
Ces gens qui sortent de leur trou pour tout casser et boire jusqu'à l'inconscience, ne sont-ils pas l'illustration d'une part de nous-mêmes ? Ces gens ne sont-ils pas des êtres totalement libres finalement ? Dans quel but Eisenstein les a mis en scène ? Son film est à la gloire de la révolution. Alors monter ces irrécupérables n'est-il pas montrer en même temps que cette révolution n'est pas la panacée ? Il y a une forme de démonstration que l'échec est inévitable : jamais une société totalement égalitaire et respectueuse de chacun ne peut exister.. Même la caricature des nantis, les capitalistes tend à montrer que ceux-là ne comprendront jamais et ne pourront pas s'intégrer dans une société idéalement égalitaire; eux aussi sont des irrécupérables. Ce que l'histoire a illustré d'ailleurs avec horreur...
Mais je m'égare, je fais des interprétations hasardeuses car j'en suis arrivée à conclure que le réalisateur jouait "double-jeu". Peut-être qu'il n'y croyait pas tant que ça à cette Révolution, la Cause du Peuple n'étant pas les seules voix et voie.... 
Quelle musique !!!! Elle est encore à mes oreilles...Too much !!  





Alain 05 Janvier


Super ton analyse : y croyait-il au dogme du bolchevisme ? A la fameuse organisation de la révolution (cf "L'état et la révolution" ou bien "la maladie infantile du communisme de Lénine - cette maladie étant le gauchisme".

LA RACAILLE , ce sont effectivement des allergiques à l'ordre, néanmoins ils ont leur organisation et leur hiérarchie (leur roi par exemple), l'envers le simulacre de l'ordre de la police, mais l'envers étant le reflet de l'endroit finalement. Néanmoins ton analyse est prémonitoire Michèle : il y a une ironie du "Potemkine" film suivant de Eisenstein qui montre la révolte des marins sous le règne du tsar, prémisse en 1905, prémices de la révolution.



En effet 6 ans après La grève et Potemkine c'était Kronstadt : Les révoltés étaient notamment des marins révolutionnaires qui revendiquaient contre le parti bolchevik que les conseils ouvriers puissent déterminer librement le déroulement de la révolution. La révolte fut écrasée par une intervention militaire décidée par le pouvoir bolchevique, qui fut suivie d’une répression des insurgés. Ces événements et leur interprétation sont un objet de désaccord au sein des mouvements révolutionnaires. À l'époque des faits, le débat a opposé les socialistes-révolutionnaires et les anarchistes aux bolcheviks. Les premiers considéraient la révolte de Kronstadt comme légitime et émanant du peuple, pouvant déboucher sur une démocratie directe, fédérale, réelle, et les derniers la présentaient comme « bourgeoise » et risquant de déboucher sur une invasion des armées blanches. (wikipedia)


La révolte a débuté le 2 mars 1921 et fut vaincue militairement par l’armée rouge deux semaines plus tard. Faisant des centaines de victimes. Trotsky général de cette armée est fortement critiqué pour son rôle dans la répression de Kronstadt, mais s'en défend dans un article de 1938. Dans le même article, il tente de disqualifier le soulèvement de Krondstadt par le caractère réactionnaire et petit-bourgeois, selon lui, des participants anarchistes, insinuant qu'ils ont des liens avec la petite bourgeoisie paysanne et les qualifiant de « RACAILLES » vivant de trafics et de marché noir. Selon lui, les chefs révolutionnaires de toutes tendances qui avaient mené le soulèvement de 1917, et qui avaient fait la réputation révolutionnaire de la ville, avaient été envoyés aux quatre coins de la Russie pour les besoins de la Révolution, et « les marins qui étaient restés dans le Cronstadt « en paix » jusqu'au début de 1921 sans trouver d'emploi sur aucun des fronts de la guerre civile, étaient en règle générale considérablement au-dessous du niveau moyen de l'Armée rouge, et contenaient un fort pourcentage d'éléments complètement démoralisés qui portaient d'élégants pantalons bouffants et se coiffaient comme des souteneurs. » Ces troupes démoralisées par la famine, auraient emmené la population derrière elles, calomniant le parti bolchevique afin d'abord d'exclure les bolcheviks des soviets armés puis de rétablir un état bourgeois.

J'ai aussi aimé que l'on passe la version musicale électronqiue en 2ième partie. Comme elle jouait à contre temps de l'action : ralentissant quand l'image ou l'action était rapide ou dense, on voyait tout la finesse de l'image, de son montage, de sa composition dans le plan. Étrange : alors que je n'aimais pas cette deuxième musique, celle-ci - en ce qui me concerne exprime mieux, démultiplie les puissances de l'image.

Et bien sûr on pourrait faire une étude histoire  de l’utilisation du terme de "Racaille", de "sauvageon"s, de "Hooligans" (le pouvoir soviétiques, de voyous. (d'Etats voyou (GW Bush)? Chaque fois que le pouvoir est constesté il sait trouver les mots pour disqualifier ses contradicteurs. On l'a vue en Tunisie en Egypte, en Libye et on le voirt en Russie ou en France d'aujourd'hui.

Et puis le meilleur du film la Gréve c'est l'utilisation des fameux "karchers" terme sorti de l'inconscient de notre cher président. Pour nettoyer "La bête rouge" comme il est dit dans le film.

On a du boulot mais c'est assez simple : tant qu'il n'y a pas des illuminés pour dire : tout ce qui n'est pour moi est contre moi, nous sommes dans la bonne direction. (une phrase que hélas nous trouvons dans l'évangile).

Reférence :"Racaille"
un article intéressant de wikipédia sur le mot de "racaille" (ce n'est ni L'universalis en 30 tomes  ni le Larousse en 20 tomes , ni le Robert en 15 tomes , qui auraient été capable de l'éditer.

Dans la presse :

 Sergueï M. Eisenstein n'a que 26 ans quand il tourne La Grève, son premier long métrage, et ça se sent... On y trouve déjà tout ce qui fera le génie du cinéaste, notamment l'incroyable dynamisme du montage, véritable dialectique révolutionnaire. Mais plus encore que dans Le Cuirassé Potemkine, les audaces visuelles tiennent ici du feu d'artifice : retours en arrière, surimpressions, juxtapositions symboliques, compositions au bord de l'abstraction, ça foisonne ! Plus tard, Dziga Vertov critiquera ces «effets de cirque», mais ceux-ci donnent pourtant au film une incroyable épaisseur, une puissance encore intacte quatre-vingt-trois ans plus tard. Ils enrichissent le récit, simple manifeste de l'idéologie bolchevique : une grève est déclenchée dans une usine russe, et sa répression sera sanglante. Bien que sans « personnage » au sens classique du terme, La Grève abonde ainsi en péripéties, changements de ton, trouvailles de décor ou de jeu, et, surtout, un fort effet de réel naît curieusement de cette approche formelle, tout sauf réaliste. (Télérama)


Débat : Les indignés  ?

Pour son premier film, Eisenstein choisit de présenter une forme exemplaire de résistance à l'oppression : la grève. Mais, loin d'en faire une description réaliste ou une reconstitution historique, il en fait plus un film qui apparaît comme un « manuel du savoir-gréver à l'usage de toutes les générations du monde.

Acces Maison de quartier Bottière :
salle "Projet" au rez-de-chaussée à gauche à l'entrée. (ouverture à 19h20)

(à l’angle de la rue du croissant et n°127 de la route de Ste Luce, on ne peux pas manquer le grand bâtiment en bois).
Bus ligne 11 Arrêt Bois Robillard
Tram ligne 1 Arrêt Souillarderie.

Contact renseignement 
: tel 02 51 13 67 15