"Renoir" Réalisé par Gilles Bourdos 2013 |
Le film raconte comment Andrée Heuschling qui devient modèle d'Auguste Renoir, est pour lui à la fin de sa vie une grande source d'inspiration par sa beauté plastique, alors qu'il souffre de graves rhumatismes déformants et d'une quasi-paralysie des jambes. Elle provoque également l'intérêt du fils Jean Renoir, convalescent d'une blessure de la guerre. La fin du film montre comment elle entre dans une relation plus ou moins clandestine avec ce dernier et la présente, comme déclenchant sa carrière de cinéaste étant la première actrice qui l'inspire.
COMMENTAIRES APRÈS LA SÉANCE
Michèle
Seul le bruissement des feuilles sous le vent.... Les pieds
nus glissent sur le carrelage, la peau est perlée d'une sueur qui ajoute à son
velouté, un sein s'entrevoit dans l'échancrure de la blouse... torpeur
estivale.... Douceur de vivre à l'écart de la fureur.. S'en écarter n'est pas
renoncement ou désintérêt, c'est créer une ode à la vie, minute après minute
qui s'étirent ...mais où sont passées les cigales ???? Au fait, le comédien qui
joue Claude, c'est celui qui jouait dans " Le gamin au vélo" des
Dardenne.
Martine
Un reste de volupté estivale, avant d'aborder l'automne
nantais.
Michèle
C'est vrai que ce matin, j'ai comme une douce mélancolie; ou
plutôt une humeur à la rêverie... une envie de retenir le temps, de le savourer
avec gourmandise, de chanter à voix basse tout l'émerveillement sans cesse
renouvelé que j'éprouve devant le spectacle de la nature. Hier soir, un chat à
poils longs et courts sur pattes qui se carapate. Ce matin sur le chemin vers
le travail, le bruit de mes pas sur les cailloux puis le plaisir de marcher
dans l'herbe ; soudain silence et douceur sous les fines semelles ; et les
nuages me regardent. Je souris et je me chantonne un p'tit air. Puis Claude
Renoir m'accompagne, montré comme en retrait et ne montrant aucun intérêt pour
la vie qui bat fort au sein de cette famille et cette maison ; malgré la mort
qui rôde de tous côtés. Alors qu'il est tous sens aiguisés et d'une extrême
sensibilité. C'est lui qui a repris le flambeau du " fait main" que
met avant Auguste Renoir. Il a été céramiste.
C'est bien lui qu'on voit dans le film quand il dit qu'aucun
tableau ne le représente : ce garçon en robe rouge, c'est Claude . Mazette,
j'avais raison ! Je suis allée vérifier ! Je me souviens être sortie du cinéma
quand je suis allée voir ce film avec ce même personnage en tête et longtemps,
Claude. Pourquoi il me touche autant ? Je n'en sais rien !
Alain
J'aime ce film méditatif; je me suis laissé aller à sa
sensualité... Le noir y est modéré effectivement comme le personnage d’Auguste
le dit de sa peinture. Les souffrances terribles de l'âge sont affirmées mais
rééquilibrées par la main d'une jeune femme passant des compresses comme une
caresse. Avant l'échange de regards.
Il n'y a pas l’âpreté du Van Gogh de Pialat ou la mélancolie
terrible de "Tous les matin du monde" de Corneau. Le vent, la lumière,
la couleur, les bruits ou la douceur du quotidien vibrent avec la peinture, en
face des incertitudes profondes, des énigmes, de la vie qui s'échappe et que
l'art capte. Un beau film. J'ai bien aimé ses 4 personnages, la dynamique de
leur relation toute en finesse. Le père et le fils autour de la même femme et
le petit.
On a l'impression que le récit va en touches successives ou
en rajouts sans que l'on ne sache où ça va - et qu'au final ça fait un film,
une histoire. Par exemple la fin qui m'a surpris n'est même pas une résolution
ou un épilogue, laisse la vie telle quelle. ("Ce n'est pas le trait qui
fait le tableau, c'est la couleur... Tu comprends ça ? dit en substance Auguste
à Jean). Un film inachevé comme la vie? C'est une manière de faire : ne pas
ficeler des articulations mais pointer des affinités, des nuances, dans les
rapports entre les personnages, dans les motifs, les symboles les formes.
Jusqu'au bout Auguste peint et la relation de Andrée se tend
et se détend. Le récit avance et le spectateur a la sensation d'un
désœuvrement. La plénitude face à l'impermanence, la couleur face au trait, la
décision face à l'incertitude, Le désir face à son énigme.
Effectivement Coco, Claude Renoir personnage du film, devenu
céramiste n'est pas le Claude Renoir directeur de la photographie (qui lui est
le fils de Pierre Renoir). Auguste Renoir vient bien d'un milieu modeste et
améliore sa situation matérielle grâce à sa renommée.
Françoise
J'ai apprécié ce film également.... Et puis " le débat
" ! Des rencontres, des échanges intéressants !!!
Une belle soirée pour moi.
Elise
Moi, j'ai été marquée par cette lumière et ces couleurs qui
allaient du jaune au rouge ocre, en passant par l'orange, le rouge et le roux
bien sûr... Elles étaient présentes partout : dans l'atelier du peintre, dans
la cuisine, dans la chambre, dans l'escalier : et à chaque fois, elles étaient
comme un écho à la magnifique chevelure d'Andrée... Même à l'extérieur, malgré
la verdure omniprésente, l'on pouvait percevoir ces touches couleurs de la vie,
couleur du sang... (dans la verdure mais aussi sur les robes des femmes...) Et
sur les tableaux bien sûr !
Moi aussi, de façon très ponctuelle, j'ai eu du mal avec la
lenteur... Mais cette lenteur, elle était je pense indispensable à la
sensualité que le réalisateur voulait montrer : l'une ne va pas sans l'autre...
Et puis, d'accord avec toi Michèle sur cet accord avec la
nature : le vent dans les feuillages... et la source qui coule sur les pieds
nus... C'était beau...
Merci à tous pour ce débat impressionnant qui nous a emmené dans
différentes directions : une fois de plus, c'est riche de beaucoup de choses
tout cela...
Danielle
Cette lenteur pourquoi nous gène-t-elle autant? notre époque
ne nous laisse plus le temps à la rêverie.. Mais si!!!! belette sortant de son
terrier savoure les sons, les lumières.
Allez au travail à pied l'hiver en longeant l'Erdre, une
prise de petits bonheurs gratuits et apaisants.
J'ai beaucoup aimé les jeux de lumière parmi les arbres, au-dessus
du jet d'eau..
Désormais lorsque je déposerai un pinceau, (même avec la
peinture des boiseries) dans le pot à eau le temps sera suspendu au mélange des
couleurs qui tombe avec lenteur au fond.. Romantisme même les doigts plein de
peinture.
M'a donné envie de ressortir ma palette...mais je n’aurai
pas un boy pour me distribuer les couleurs. Et je ne serai jamais Renoir… mais bon tout le monde peut pas être
premier!!!
Merci pour ces séances, qui pour moi assez peu branchée ciné
pendant de nombreuses années, me donnent chaque fois plaisir à découvrir.
Michèle
Ce film est impressionniste. C'est aussi une proposition :
si la rose demain sera fanée, goûtons aujourd'hui sa présence et son essence.
La lenteur et le silence sont indispensables pour savourer l'instant. Auguste
dit l'absurdité du sens du devoir, sauver la patrie est stupide, c'est aller
vers la mort. Rendre service à l'humanité, c'est avoir le sens du travail bien
fait; c'est une façon de communiquer. Le travail manuel est lent, que l'on soit
artiste ou artisan ; que l'on soit femme de ménage ou boulanger; le travail est
un don à l'autre. C'est ce qui dit Auguste quand il évoque le fait de fabriquer
une chaise ou des souliers. Cette humilité n'est pas que parole touchante.
Elise, la chevelure rousse à cette époque était encore
assimilée aux femmes de " mauvaise vie". Les rousses étaient des
putes, mon arrière-arrière-grand-mère rousse et corse en a beaucoup souffert
quand elle a débarqué en Alsace ! Dommage qu'elle n'est pas rencontré Renoir ! Il
n'empêche qu’Andrée provocatrice et très légère pour l'époque pose question. Intrigante
? Opportuniste ? Avide de gloire et de sortir de cette région qui à l'époque
était un trou ? Pourquoi demander à Jean de vendre les tableaux ? Pour qu'il
devienne lui-même ou pour qu'elle puisse enfin réaliser ses rêves, à elle ?
Quelle femme vraiment amoureuse demanderait à un homme de se dépouiller
financièrement et affectivement ? Mais peut-être suis-je naïve....
J'aime les
films lents et silencieux et j'aime être bavarde et agitée en votre compagnie.
Danielle, l'image des pinceaux dans l'eau à trois reprises,
à chaque fois semblant pareille mais à chaque fois différente. Magie et
sensualité, merveille de l'anodin, de l'invisible. Regard d'enfant. Tu as
raison, sortons nos palettes ! Ce film donne l'envie de vivre et d'être soi ! Pas
de compétition !
Filmer la peinture :
Nous proposons ce film pour introduire la comparaison d' images différentes (celles du conte, du cinéma et de la peinture. Lors d'une deuxième séance à la maison de quartier Bottière le mercredi 9 octobre à 19h30 ", Michèle Robert contera son adaptation d'une partie du film Dreams de Akira Kurosawa : "Le jardin des pêchers". Après la projection de "les corbeaux" Alain Arnaud exposera imagé sur les rapports à la peinture du réalisateur japonais (séance dans le cadre de la manifestation "Itinéraire Nantes-Japon"). Plus d'infos ici
Nous avions abordé le rapport peinture et cinéma avec le magnifique Van Gogh" de Maurice Pialat interprété par Jacques Dutronc. En matière de films sur le travail de la peinture, Gilles Bourdos a pensé à ce cinéaste : "J’avais en tête deux grandes postures opposées : celle de Maurice Pialat (Van Gogh, 1991) qui refuse totalement de filmer le peintre au travail et celle de Vincente Minnelli (La Vie passionnée de Vincent Van Gogh, 1956) qui cite frontalement les situations dépeintes dans les tableaux par la mise en scène". Au final, le cinéaste a choisi de montrer le peintre au travail sans pour autant citer des œuvres de Renoir.