Cinéma et développement personnel



Dans le cadre de La Semaine de La santé mentale organisée par la ville de Nantes du 10 au 23 mars.

"Cinéma et développement personnel"
le Mercredi 19 mars à 19h30 à la Maison de quartier Bottière


Les offres de développement personnel sont-elles des grigris, une marchandisation de l'âme, ou peuvent-elles contribuer à notre équilibre ? Dans une démarche de réappropriation de notre santé ont-elles vocation à se substituer aux thérapies ou en sont-elles les compléments ? Quels nouveaux rapports à nos symptômes, leur émergence et l’incroyable diversité de leur palette induisent-elles ? Comment s’orienter, quelles sont les informations dont nous disposons à leur sujet, comment pouvons-nous les partager ?


 Tableaux des extraits projetés 
(en italique ceux que nous n'avons pas eu le temps de passer)




TITRE  du film proposé par
REALISAT
1
Looking  for Eric (Michèle)
Ken Loach  2009
2
Will Hunting  (Robert )
Gus Van Sant  1997
3
Jimmy P.    (Alain)
Arnaud Despléchin  2013
4
Urgences et bonus (Alain)
Depardon 1988
5
Pina   (Brigitte)
Wim Wenders
6
Yes man (Allo-ciné)
Peyton Reed 2009
7
A l’origine (Michèle)
Xavier Giannoli 2008
8
Bienvenue Mr Chance (Alain)
Hal Ashby 1978
 9
La question humaine (Mélina)
Nicolas Klotz 2007
10
Théorème 1968 (Alain)
Pasolini
11
Le chien jaune de Mongolie
2005
Byambarasuren Davaa
  
























 

Plus d'infos 3 séances SISM 2014 :  "La santé à tâtons" ...

NOS COMMENTAIRES APRÈS LA SÉANCE

Elise
Je ne sais pas trop par où commencer, alors ça va forcément être décousu...Pour moi, le "développement personnel" c'est faire des choix pour rester toujours sur le fil entre la communication avec les autres et l'introspection (j'ai envie de dire "la pause" : si je trouve l'équilibre, alors je me sens bien... Et c'est le but, non ?

Cet après-midi j'ai fait un truc tout bête mais dont j'avais besoin et qui m'a fait un bien fou : Une randonnée au bord de l'eau avec des gens sympas...Et ça papotait, et ça papotait... Mais quelle respiration ! Entre deux jours de boulot...

Ce soir, j'ai vécu le débat de manière très différente en fonction des extraits de films : J'ai aimé la force de la danse, la gestuelle, ce qu'elle m'a exprimée : la dernière scène est douloureuse : cette femme avec un corps inerte et ces hommes tout autour : c'est un viol... mais au-delà, j'ai réalisé que cela exprimait le phénomène de décorporation (je ne sais plus si c'est le terme exacte) : mais, certaines femmes qui se prostituent ont la capacité de déconnecter leur esprit de leur corps : ça leur permet de supporter leur "travail" : ça ne veut pas dire que ça ne les détruits pas psychologiquement ensuite, mais à l'instant précis, elles font abstraction de leur corps : c'est ce que j'ai vu : le sentiment qu'elle ne ressentait pas moralement ce qui se passait physiquement...

Pour ce qui ait du documentaire sur les urgences psy... Oui, bien sûr, les réflexions des malades peuvent porter à rires... Mais à une condition et une seule : c'est d'avoir du recul... Lorsqu'on regarde un film de fiction, le recul est possible (quoi que pas toujours...), mais dans le cas du doc, on peut prendre les images, comme les mots, en pleine face : ils nous renvoient alors à un vécu douloureux...

Bon j'arrête là...Quelle richesse encore, une fois de plus, cette soirée !  Bravo pour tout le travail en amont, mais aussi pour la façon dont chacun c'est emparé de ce travail et l'a fait vivre...

Martine
Michèle est venue réveiller nos idées convenues sur le développement personnel, du style c'est un marché, certes, "mais il m'ouvre à un autre monde" etc... Les extraits de film en ont bien montré les mécanismes et les dérives sectaires pour certaines méthodes, sans omettre son utilisation perverse dans le monde du travail.

Je ne retiens que le visage lumineux de Depardon et les danseurs de Pina Bausch, corps/esprit en parfaite symbiose. Ils illustrent - pour moi - le travail de toute vie, le développement de toute vie, pour parvenir à s'épanouir au sein de la communauté humaine, qu'elle soit bienveillante (c'est mieux), aimante, amoureuse, fraternelle ou hostile.

A chacun de trouver comment parvenir à trouver sens à sa propre vie et à y travailler inlassablement ET JOYEUSEMENT , tout au long de son passage terrestre.

Alain
Martine, hier soir,  a interprété les chorégraphies des danseurs de Pina Baush comme des expressions spirituelles. Je n'y avais pas pensé.. Pourtant la spiritualité c'est selon moi le plus près de la terre, de l'ordinaire, du quotidien, du rugueux, de l'incarnation. Raison pour laquelle j'associe le développement personnel au spirituel. Rien à voir avec de l'extraordinaire ou du spectaculaire. Mais plutôt du terre à terre. "... connait le sang ignore le céleste" (René Char parlant de l'ange dans "Fureur et mystère"

J'ai choisi ces 4 danses dans un recueil d'une vingtaine notamment la dernière dont parle Elise longuement plus haut mais dont j'ai une autre perception. Cette femme n'existe qu'à ne plus agir, dans une disposition passive par laquelle elle existe encore formidablement. Les attouchements mécaniques presque inhumains la révèlent dans cette incarnation. Comme si ces chorégraphies magnifiaient l'envers le plus âpre de l'existence au travers de la vérité de chacun. En dansant au plus près de soi il elles dansent avec l'autre. L'autre prenant de multiples formes et existence : un groupe d'autres humains, un autre sexe, ou bien des éléments bois de branchage et de mouvements de vents dans l'herbe, ou encore le flux incroyable des véhicules, voitures tram, métro sur un carrefour ouvert de la ville où le croisement, rencontre d'autre croisements, Impermanence et éternité, une écriture, une chorégraphie.

J'ai aussi songé que le fameux carrousel dont tu nous as déjà parlé au moins deux fois, on y est en présence dans ces girations, et répétition, comme celui du séducteur, le mâle fragile beau et dérisoire qui va de femme en femme assise pour enlever son pantalon et passe à une autre. Mais le carrousel vaut à la fois pour chacune des chorégraphies mais aussi dans leur succession quand nous passons de l'une à l'autre.

Le plus étrange c'est que cela vaut aussi pour "Urgences' dont Depardon parle. On le voit dans la page d’accueil du dvd, projetée à la fin où on passe de la chorégraphie existentielle et délirante de chaque personne à une autre, une boucle dans la boucle. Depardon dit que cela prête à rire, sous un certain angle nous l’avons vérifié, alors que c'est de l'humain avec sa misère à l'état brut. Une chorégraphie de l'humain dans les deux cas Depardon/Urgences et Wim Wenders/Pina où chaque fragment a son autonomie et s'insère dans un ensemble. Comme s'il fallait un dispositif très simple pour que la synecdoque (tout est dans tout) ou la métonymie (la partie pour le tout) prennent une puissance extraordinaire. Le mouvement d'aller vers cette simplicité c'est ça pour moi le développement personnel, ou bien le passage d'un côté et de l'autre d'une camera qu'on aurait construit, du cinéma à trois bandes. Ça a quelque-chose à voir avec l’invention, la création et l'art. Raison pour laquelle l'artiste n'a pas besoin de développement personnel, il l'incarne, au moins pour une part.

Michèle 
J’ai l'art, et pas toujours la manière, de mettre les pieds dans le plat ! J'aime bien secouer les cocotiers, dont le mien !!! Mon désir, en posant ces questions et en exprimant un pan de mon point de vue, était que l'on échange sur la signification de cette expression : "développement personnel". Comment chacun l'interprète, comment chacun l'appréhende. Alain répond à ce désir en fin de son commentaire. Ce n'est pas qu'une question de sémantique. Certes, cela peut signifier "accomplissement de soi" mais encore ? Chacun de nous est unique, cela me réjouit autant que cela m'intéresse ; une curiosité pour nous, notre humanité partagée dans nos singularités.

La perception du monde, du vent, du temps, du ciel, des arbres, des êtres vivants, est toute relative. C'est en se cognant à la réalité du monde, qu'il devient plus net, qu'il est possible d'en appréhender la beauté... Matisse parlait de la "fraîche beauté du monde". Alors, oui, peut-être faut-il être artiste de sa vie. La dessiner au jour le jour, sans attente de résultat, de finitude, de plénitude ; oeuvre inachevée dont le seul plaisir est son exécution. C'est du domaine de l'errance protégée, acceptée; et pour ce qui me concerne ; revendiquée.

Alain a dit hier soir un "gros" joli mot : amour... j'aime la façon dont il l'a prononcé, ce mot ; le moment où il l'a dit ; car il prenait tout son sens, toutes ses acceptions... Depardon par son silence et ses retraits est en communion avec les autres, en les filmant il fait acte d'amour.

Martine 
J'ai vraiment du mal a appliquer ce mot amour à toutes les situations, à toutes les communions, je le réserve pudiquement à la personne que j'aime vraiment d'amour. Je lui préfère le langage du cœur quand il s'agit de mes relations interpersonnelles. Désolée.

Alain 
Le langage du cœur c'est ce qui te permet Martine de mettre les autres à distance.

Martine 
Ca me convient ... Love

Danielle 
Je suis sortie de cette séance avec une pesanteur sur la tête, des plombs dans les poches..Pour moi, la dernière scène de danse a laissé un malaise..violence,silence ..
Ces extraits ne font à mon avis pas une image concrète et réaliste du monde actuel.. Bon je suis plus terre à terre que certains.. mais il le faut parfois. Sublimer à ce point, c'est nier le quotidien, la réalité de beaucoup.. Quant à la question de développement personnel, posée par Michèle, c'est parfois un plâtre sur une plaie infectée.. un relookage superficiel.. Certes cela peut aider dans certains cas..mais peut donner l'impression de savoir,d'être à la hauteur. Pourtant savoir mettre une distance entre soi et ses émotions, et surtout celles des autres cela s'apprend, et amène plus de sérénité.. Mais dois t'on toujours modifier sa personnalité, pour faire face à la violence? Par contre pour en faire en ce moment l'expérience, pouvoir trouver quelqu'un en qui la confiance est importante et qui ne donne pas l'impression de juger.. donne des forces pour vivre différemment. Est-ce le mot "Amour" avec toutes ces subtilités???J'y crois fortement..

Alain 
Danièle tu en penses quoi de l'extrait qui t'a fait violence au juste ? Quelle perception en as-tu de cet extrait - ou des autres extraits de la soirée ? Si tu remontes les commentaires tu verras qu’Elise la première s'y es aventurée. J'ai apporté une autre perception. Les deux existent l'une à côté de l'autre. Tu tiens le sujet à distance parce qu'il te submerge (le silence dont tu parles). Alors que ce sont nos échanges de paroles permettent de mettre de la distance sur nos sensations, émotions et pensées.

Donc L'avantage des chorégraphies du film "Pina" de Wim Wenders, c'est de nous permettre de rentrer dans leur intime et donc le notre. C'est là comme on l'a dit qu'il peut y avoir aussi bien art que développement personnel, soin. Nous n'avons pas besoin de blouses blanches pour être dans le soin, ni d'avoir le label "artiste" pour créer. Se situer au ras des pâquerettes commence là, d'accepter d’être interpellée de façon agréable ou d'avoir été décontenancée par le film. Le développement personnel est-ce brosser les gens dans le sens du poil ou bien les bousculer ? C'était l'une des questions qui ont émergé lors de notre séance de mercredi. Les deux mon colonel semble avoir été la réponse. Justement nous pensons à passer le film dans son intégralité pour mieux en discuter.

Danielle 
Peut-être voir le film en intégralité peut apporter une lumière.. tiens justement moi qui trouvais sombre, noir ce passage. Je n'ai point compris le pourquoi, je n'ai vu que la violence de la scène.. pas sa raison. Je me rappelle un film où j'avais frisé le malaise...je ne suis pas capable de t'en donner le titre (il y avait un homme qui subissait la torture avec des gouttes d'eau..)

Submergée par le silence sans doute mais je l'ai apprivoisé au mieux.. et le silence pour moi n'est pas que violence. En réfléchissant bien, même jeune ,avant d'être confrontée au silence obligatoire, le malaise m'aurait aussi envahie. Comme Michèle le silence est pour moi un besoin, une nécessité pour tenter de me retrouver....mais il ne faut pas que cela.

J'utilise parfois, pas assez en ce moment les instants déconnexions dans la création.. Faire travailler mes doigts a été une bouée de secours dans des moments tragiques et difficiles. Sans prétention d'être pro. Les doigts travaillant n'empêchent pas la réflexion mais l'apaise. Les blouses blanches, ne sont pas indispensables. Non, il y a tant de manières pour appréhender la création et ne pas être obligé de se référer toujours à des normes.. et toujours s'analyser. Mais elles sont parfois utiles bien sur...

Etre bousculée ou pas, il y a des façons d’être, de parler pour un thérapeute qui permette d'accepter le travail de réflexion sans se sentir agresser.. Si j'ai exprimé mon mal être c'est que je suis dans l'acceptation de celui-ci et non dans le refus. Mais avec une prise de distance. Sinon je me serais mise sous terre rapidement.

Quant à l'extrait de Depardon, il m'a ramené à une scène vécue mais pas personnelle sur les prises de photos et le viol d'une intimité .Chacun a sa perception de sa propre sphère de protection. J’ai compris alors que faire une photo d'une personne pouvait être une intrusion très violente et insoutenable pour le photographié. A bientôt, car j'aime malgré tout découvrir...et il y a beaucoup pour moi!!!

Elise
Je comprends ce que tu dis Danielle... J'y ai moi-même été confrontée sur un autre extrait... Mais je suis d'accord avec Alain quand il dit : "...ce sont nos échanges de paroles qui permettent de mettre de la distance sur nos sensations...". Finalement, lorsqu'on échange sur des films, qu'on fait des commentaires, on contribue aussi à notre développement personnel...

Danielle
Oui c'est vrai la distance est prise après lors des discussions, et c'est cela le plus de ces soirées. Mais pour la sensation immédiate, je me laisse aller. Parfois en sursautant, en fermant les yeux. Je ne peux me forcer à l'insoutenable quand il ne m'est pas indispensable. Parfois même en ayant envie d'accrocher mon voisin. J'apprends à dire NON en urgence, mais en laissant une ouverture vers la compréhension..

Françoise
Même ressenti qu’Élise et Danielle envers ces extraits ... dérangeants ... ou pas suivant nos vécus, nos sensibilités propres ...notre baluchon !!! Différents suivant notre genre également, je suppose ? Nos échanges ensuite sont indispensables, ils apportent d'autres perceptions. De pouvoir en discuter sans jugement, en se respectant les uns les autres contribue vraiment à notre développement personnel.

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Accès maison de quartier Bottière
148 route de Sainte Luce (à l’angle de la rue du Croissant et de la route de Ste Luce , le grand bâtiment en bois)-
Bus ligne 11 Arrêt Bois Robillard
Tram ligne 1 Arrêt Souillarderie.

Contact : Tel 02 51 13 67 15 ou bien 06 58 76 69 05



Pour rappel : "La santé à tâtons" 3 séances animées par La sagesse de l'image
dans le cadre de La Semaine de La santé mentale organisée par la ville de Nantes du 10 au 23 mars.



- le mardi 18 mars à 14H30 "Projection d’images :
Comment des ressources autres que le soin, Internet, films, livres, contribuent-elles à mieux comprendre et améliorer ma santé mentale?
Alain Arnaud de l'association "La Sagesse de l'image" propose de mettre en débat des images de documentaires et fictions existantes et de partager les savoirs et méthodes de chacun pour y accéder.
Foyer des jeunes travailleurs 9 bld Vincent Gâche Nantes Beaulieu.


- le vendredi 20 mars à 13 h 30 ciné-débat autour d'"Un monde sans fous"
Restaurant Social 16 rue Pierre Landais
Comment notre santé mentale se conjugue-t-elle avec les institutions et en politique?
Projection et débat autour d'un documentaire "un monde sans fous" de Philippe Borrel.